Jérémy Rollet
« Le temps et l’espace sont un luxe que nous offrons »
Sa conciergerie, Drive Vintage, gère une impressionnante flotte d’automobiles exceptionnelles, la plupart stationnées aux alentours de Duillier en Suisse. Le but ? Tout faire pour que ses clients n’aient plus qu’à se concentrer que sur le seul plaisir de conduire.
À quand remonte la création de drive vintage ?
Au 1er janvier 2016. Initialement, j’étais guide de haute montagne à Chamonix. En 2010, à 23 ans, j’ai complètement changé d’activité en devenant chauffeur, puis « homme à tout faire » pour des clients fortunés en Suisse. Un jour l’un d’entre eux m’a conseillé de me spécialiser. Alors j’ai décidé de me concentrer sur l’automobile.
Par passion ?
Même pas. Je trouvais juste cool d’acheter, de revendre et de m’occuper d’automobiles extraordinaires. Je ne me définis pas comme un passionné, mais je prends beaucoup de plaisir à me plonger dans les archives d’un modèle. Avant chaque acquisition, je passe énormément de temps à collecter des infos et des photos pour construire un dossier. S’il y a le moindre doute, je le lève. Nos clients apprécient ce détachement, car il me donne un regard objectif, notamment quand il s’agit d’acheter une automobile. Mon réalisme s’oppose au fanatisme.
Je dis oui aux demandes et je réfléchis ensuite à comment je vais y répondre
Quels conseils donneriez-vous à un acheteur ?
Un, que la voiture lui plaise extérieurement, ce qui est complètement suggestif. Deux, qu’elle soit agréable à conduire, car le but reste de rouler avec. Trois, qu’elle soit relativement rare, disons moins de 1.000 exemplaires. Quatre, qu’elle été jugée comme exceptionnelle à son époque déjà, car une bonne voiture reste une bonne voiture. Et cinq, que l’histoire du châssis soit limpide, complet. En revanche, je déconseille d’acheter dans le seul but de spéculer. Car malheureusement, beaucoup de gens investissent en espérant revendre plus cher deux ans plus tard. Stocker des voitures sans les faire rouler n’est pas notre credo.
En quoi consiste votre travail exactement ?
Initialement, nous ne faisions que de la gestion de véhicules. On s’occupait de l’acquisition, des papiers, des assurances, de l’entretien, etc. Dès le début, nous avions une centaine de voitures, certaines très loin d’ici, en Égypte par exemple. Car on peut tout gérer à distance. Puis nous avons construit nos propres locaux pour devenir une conciergerie. Aujourd’hui, nous sommes cinq pour gérer plus de 400 voitures, les deux tiers en gardiennage. Le temps et l’espace sont un luxe que nous offrons à nos clients.
À quoi ressemblent vos parkings ?
À des bunkers souterrains que nous avons fait construire dans des lieux improbables, les plus discrets possibles. Tous bénéficient de places larges et électrifiées, avec un contrôle strict de la température et de l’hygrométrie. C’est comme une cave à vin.
Vous faites aussi la mécanique ?
On change les batteries, les roues. Pour le reste, nous partons du principe que chaque voiture est spécifique et doit être manipulée par des personnes spécialement qualifiées. Nous avons des partenariats avec plusieurs dizaines de prestataires, partout dans le monde. De la même manière, quand on participe à un événement telle qu’une course historique, nous gérons le transport ainsi que la logistique, et nous louons les mécaniciens ayant l’expertise du véhicule en question.
Quelles satisfactions vous apportent votre profession ?
Je prends beaucoup de plaisir à rendre les gens heureux, parfois en réussissant l’impossible. Par exemple, une fois, j’ai fait la surprise à un client de lui livrer sa voiture au pied de son avion, dès son arrivée sur le tarmac. Je peux vous dire que ce n’est pas facile d’avoir ce type d’autorisation dans un aéroport publique. Récemment, nous avons posé une Ford GT40 dans un champs de vaches, juste pour prendre des photos originales. Je me considère un peu comme le concierge d’un grand hôtel. Je dis oui aux demandes et je réfléchis ensuite à comment je vais y répondre
Avez-vous une collection personnelle ?
Moi non. La société oui. Nous avons toutes les Lancia de course aux couleurs Martini Racing, quinze voitures au total, d’endurance, de rallye. Il ne nous en manque qu’une 037, l’Evo 2 de 1984. Cette collection est importante car elle nous donne une certaine crédibilité. Nous ne sommes pas que des professionnels de l’automobile, mais aussi des clients.
Vous ne les exposez pas ?
Nous participons à des événements comme Chantilly Arts & Elegance ou le Tour de Corse Historique. Nous aimerions créer un lieu semi-publique où les gens pourraient voir nos voitures et discuter autour. Peut-être en 2026, pour nos dix ans !